Besogne


Crayon graphite sur papier 100/70 cm

JE REGARDE UN INSECTE INCONNU MONTANT SUR MA CHAUSSURE. J'AIMERAIS AVOIR SA TRANQUILLITE, FAIRE COMME LUI, UNE BESOGNE TOUTE SIMPLE, GRIMPER SUR UNE CHAUSSURE SANS SAVOIR CE QU'EST UNE CHAUSSURE. # Edmond Baudoin

Edward Abbey dans le Désert Solitaire nous dit « Je veux être capable de regarder et d'examiner un genévrier, un morceau de quartz, un vautour, une araignée, et de voir ces choses comme elles sont en elles-mêmes, vierges de toute qualité attribuée par l'homme. »

Dans mes dessins la vie se fige pour un temps. Celui qui laisse nos pensées flâner jusqu'au bout du monde qui s'étend loin dans le passé et loin dans le futur, sans aucune limite. Ce monde c’est celui d’ici et maintenant, du réel, du tangible celui sur lequel nous nous tenons, celui de l'infiniment petit comme de l'infiniment grand, du mouvement perpétuel, du silence, de l’élémentaire. Peu m'importe le nom de cet oiseau qui vole, le vent, le soleil, la rivière, la terre lui apparaissent comme une formule rationnelle. Celle qu’on traverse dans les bois, sur un chemin jonché d'épines de pin, de pierres, de ronces héritières de cette nature sauvage tout comme n'importe quelle portion de surface non bitumée, vivante, riche de détails, de relations complexes et de mystères.

Ce travail de dessin, puise sa source dans la marche qu’elle soit en montagne, en forêts ou sur les sentiers côtiers. Là où chaque pas engage le corps dans un dialogue silencieux avec le terrain, et où l’œil guidé par cette cadence, sculpte le paysage dans la perception lente de ce qui se déploie à mesure qu’il avance.

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Sur le papier, la ligne tracée ne se limite pas à une simple représentation d’un paysage, mais devient le prolongement de la marche elle-même. Chaque trait incarne le chemin à parcourir, il nous oriente sur l’itinéraire comme le sentier guide les pas du marcheur. Le suivre nous engage sur un parcours, on avance, on hésite, on revient parfois sur nos traces, mais on chemine toujours, sans se précipiter, vers ce qui pourrait encore apparaître et qui se déroule lentement devant nous pour construire un territoire. Celui qui regarde devient à son tour marcheur attentif à chaque nuance qui fait surface.

Le dessin engage le corps et l’esprit dans une aventure singulière où chaque geste marque sur le papier une avancée dans la découverte, une ouverture vers ce qui demeure encore à percevoir. Ce travail ne fige pas la nature dans son simple reflet, il loge la pensée dans un espace en mouvement.

Dans ma pratique, la photographie à l’effet d’une carte qui guide mon tracé. Elle agit comme un stabilisateur temporel en figeant la forme que j’explore à l’excès. Le dispositif de projection me place, à la fois à distance et en étroite proximité avec le sujet. La ligne circule lentement et sous contrôle, dans l’espace contraint du gabarit. Elle s’affranchit du geste technique pour révéler le moment de l’exploration du détail et de la texture qui transforme le dessin en un espace de résonances. Le paysage n'est pas seulement un décor, il devient une amorce au récit où chaque ligne renvoie à un réseau, de pensées, de mémoires, de fictions.

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En ce sens, le processus mis en place, ici, ne se contente pas de copier une image, il en crée une autre, une image imaginée, où le réel devient le point de départ d’une transfiguration, d’une « d’irréalisation » qui nous engage vers une liberté mentale et interprétative où chaque ligne révèle la trajectoire d’une pensée ambulante. Le dessin est, ici, conçu, à la fois, comme une exploration du monde et un retour à l’expérience d’être au monde. Il révèle la force invisible qui traverse la situation du détail le plus ordinaire qui nous relie à la virginité des éléments dans une synthèse du temps et de l’espace.


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