Mathieu Delalle
Artiste/Auteur et enseignant à l’École Supérieure d’Art et de Design d’Angers depuis 1999.
Mon travail se construit sur l’idée simple de faire du dessin un outil multimédia. Là où ce médium est souvent considéré comme asservi aux autres disciplines, je le conçois au contraire comme un point de croisement, un espace de combinaisons illimitées où importer, copier, coller, exporter, citer, mélanger, traduire, greffer deviennent des gestes fondateurs. Depuis le début des années 2000, je traverse les technologies numériques un crayon à la main. Cette approche me permet d’explorer les liens entre ces pratiques. Le numérique m’a ouvert aux concepts de bases de données, de réseaux et de combinatoire, ainsi qu’à la dynamique des échanges de savoirs et de transversalité. Le dessin, lui, me permet de réactiver ces principes par une simplicité du geste.
La méthode repose sur l'accumulation d'éléments hétérogènes, de fragments visuels, sonores, textuels, gestuels que je redistribue en nouvelles configurations. Chaque élément en convoque d'autres, ouvre vers des associations imprévues. Je ne cherche pas à produire des formes closes et définitives, mais à composer des images-relais, des sortes d’appâts qui provoquent plus qu'ils ne représentent. Cette approche fait du public un acteur qui active les récits, comble les vides, trace ses propres chemins avec du possible. Mon travail refuse le péremptoire et préfère créer des dispositifs participatifs, des systèmes ouverts qui traversent aussi bien mes dessins que mes explorations sonores ou vidéo pour proposer des réalités sans destination fixe. Cette hétérogénéité dans la construction et la diffusion de mon travail ne s'oppose à rien, sauf peut-être à une logique frontalière qui tiendrait compte des lignes de séparation entre disciplines. L’essentiel pour moi, c’est de préserver un espace de liberté où chaque intention peut inventer sa propre forme, sans se contraindre à une écriture préétablie.
Au fond, mon travail cherche à créer des espaces où le réel devient le point de départ d'une transfiguration, d'une « irréalisation » qui engage vers une liberté interprétative. Les formes que je propose sont sans terme, elles se prolongent jusqu'aux limites de nos propres imaginaires.